Notion d'information en physique

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Christian_B

Bonjour, apparemment les termes "information" ou "théorie de l'information" recouvrent deux sens distincts :
1) Habituellement, information codifiée (bits ou qbits) à visée technologique.

2) Notion physique plus générale qui conduit des physiciens ou vulgarisateurs à dire notamment :

que l'information ne peut se propager plus vite que la lumière.
que l'information se conserve, ce qui conduit par exemple récemment Pour la Science à parler de paradoxe de l'information à propos des trous noirs.

Il semble que l'information soit traitée ici comme une grandeur conservative bien définie (en plus des grandeurs classiques). Mais je n'ai pas trouvé de définition, de développement théorique ou de référence à des expériences à ce sujet.
Pouvez-vous me dire ce qu'il en est ?

FWyczisk

Il y a le codage de l'information avec les bits et les qbits et il y a l'information au sens de la thermodynamique qui a à voir avec la notion d'entropie qui augmente et qui correspond à une perte d'information. On retrouve ces notions en physique quantique avec la notion de décohérence . Pour les trous noirs si j'ai bien compris le rayonnement d'évaporation de Hawking ferait disparaitre l'information contenu dans le trou noir mais il me semble que l'information a déjà disparu dans le trou noir singularité de la théorie de la RG. Ce n'est pas l'information qui est conservé en générale mais l'énergie. L'information c'est autre chose cela a plutôt à voir avec la théorie de la mesure.
Voir la thèse en cours dirigée par Alexia Auffèves qui me semble intéressante sur les aspects : thermodynamique de l'information quantique : https://www.theses.fr/s209096

patguy

Bonjour, il faut se méfier des modes. Aujourd'hui on emploie le mot information à toutes les sauces et depuis le livre du grand physicien français L. Brillouin "La science et la théorie de l'information" écrit suite aux travaux de Shannon, la notion d'information a envahi la physique. Shannon était un ingénieur qui a cherché à définir des critères de qualité lors de la transmission d'un message. A noter que le contenu du message peut être complétement incohérent, par contre on cherche des critères pour que le message d'arrivée soit le plus proche possible du message de départ. Shannon a été amené à définir une entropie qui si on lui rajoute le facteur k de Boltzmann est équivalente à l'entropie statistique mais il faut être méfiant avec la définition de cette entropie pour définir une information. Si j'ai 50% de chance de gagner 100 € et 50% de chance de les perdre j'ai la même entropie que si j'ai 50% de gagner 100 € et 50% de chance de ne rien perdre pourtant l'information est différente. L'information est quelque chose de très vaporeux et d'imprécis. C'est pourquoi par exemple en mécanique statistique il vaut mieux parler de complétion d'un système que d'information. Dans le cas du trou noir c'est assez simple (si l'on applique la relativité générale à l'effondrement d'une étoile sans se poser plus de questions), tout ce qui tombe dans le trou noir disparait à jamais et les caractéristiques du trou noir sont indépendantes de ce qu'il contient (seule la masse des objets compte). Classiquement point barre. Hawking (petit malin) a utilisé la mécanique quantique sur l'horizon (on peut se ramener localement à un référentiel inertiel). Il va sans dire que ce type de calcul souvent fait en physique n'est qu'une approximation et pas autre chose. Il en a déduit que les trous noirs avait une température (très faible) et pouvait donc rayonner de l'énergie et par suite disparaître. Malheureusement ce rayonnement est incapable de restituer l'information contenue dans le trou noir car il est pratiquement identique à celui du corps noir. La mécanique quantique est unitaire donc l'information est conservée (si le trou noir a absorbé la fameuse tasse de thé de Wheeler on doit savoir). Hawking a donc avec sa température déclenché le feuilleton sur "où est passé l'information du trou noir". Les plus grands se sont battus sur ce problème depuis cette époque, pas vraiment de solution convaincante. En fait on s'en fout pour la seule raison que tous les trous noirs (s'ils existent vraiment) connus dans l'univers ont une température si basse qu'elle est inférieure à la température du fonds diffus cosmologique donc ils ne perdent pas d'énergie pour l'instant et il faudra attendre plusieurs trilliards d'années pour avoir la solution par l'observation. Cordialement.

Christian_B

Bonjour, vos explications et notamment "L'information est quelque chose de très vaporeux et d'imprécis." confirme mon impression que l'on parle de l'information comme d'une grandeur mais qu'en physique, il n'y a pas moyen de trouver une définition générale précise (j'ai cherché vainement) contrairement au cas des messages où on travaille sur des données codées (par exemple en binaire) et donc dans ce cas "L'information" est liée à des conventions concernant ce à quoi on s'intéresse dans le traitement du message et non au message en tant que phénomène physique.
Dans ces conditions (sauf si je me trompe et si une définition existe), parler de "conservation de l'information" me paraît proche du non sens, et en tout cas loin de la rigueur théorique habituelle de la physique.
Dans ces conditions, je me demande bien ce que peut signifier la proposition (déjà citée):
"L'information ne peut se propager plus vite que la lumière."
souvent présenté avec assurance comme une conséquence évidente des théories de la relativité.
Y a-t-il quelque poart un théorème qui le dit 😅

patguy

Bonjour, je ne voudrais pas laisser croire que les physiciens parle de l'information à tort et à travers. Ils ont à chaque fois une idée précise de ce qu'il considère comme une information dans un cas donné. Mais effectivement il n'y a pas de définition générale de l'information en physique mais plutôt des cas particuliers (parfois dépendant de l'observateur). C'est pourquoi je n'aime personnellement pas l'emploie de ce terme qui prête à confusion. On peut en général parler de complétion accompagnée d'incertitude (non connaissance complète de l'état d'un système). Par exemple dans le cas d'un gaz je connais ses données macroscopiques mais peu de chose sur l'état de ses constituants, pour calculer l'entropie d'un trou noir je peux découper son horizon en surface de Planck et à chacune attribuée un état 0 ou 1, dans le cas de la décohérence je me réfère au couplage du système quantique avec son environnement. A chaque fois je peux parler d'information mais le sens n'est pas le même. Le mot information est devenu une mode linguistique même en physique. Le terme "conservation de l'information" est utilisé en mécanique quantique. C'est une théorie unitaire donc l'information, en fait l'état d'un système, ne doit pas être perdue et théoriquement reconstituable mais en règle générale c'est physiquement impossible. Dans le cas de la décohérence l'information s'étale dans l'environnement. Dans le cas du trou noir, quantiquement, s'il s'évapore il doit donc rendre l'information qu'il a emmagasiné lors de sa formation. Mais dans tous les cas, on peut se rappeler la boutade de Boltzmann à qui l'on disait que si on retournait instantanément toutes les molécules d'un gaz son entropie décroissait "Eh bien faite le".
"L'information ne peut se propager plus vite que la lumière." veut simplement dire que si je veux échanger de l'information entre observateurs je dois utiliser des moyens physiques qui sont soumis au principe de relativité, la lumière étant le moyen a priori le plus rapide (je pourrai aussi utiliser des ondes de gravité qui se déplacent à la même vitesse mais on ne sait pas faire). A noter que l'intrication quantique est non locale dans le temps et dans l'espace mais quand 2 observateurs mesurent chacun l'état d'un des photons du couple intriqué pour vérifier leur corrélation ils sont obligés d'utiliser des moyens physiques soumis à la relativité, ouf. Cordialement
J'ai un blog si cela vous intéresse : http://pgphys.blog.free.fr.blog.free.fr/

Christian_B

patguy Dans vos deux réponses (et dans votre blog que je n'ai encore lu qu'en diagonale mais j'y reviendrai) vous liez la notion d'information à des questions fondamentales (et polémiques) comme l'irréversibilité ou l'intrication, qui conduiraient à plusieurs autres questions.
Mais pour rester dans le sujet initial, je note que vous préférez parler de "complétion d'un système" ou de "complétion physique" plutôt que d'information. Je me demande si c'est en rapport avec l'ancien débat sur la complétude des théories quantiques ou s'il s'agit d'une notion plus spécifique et précise.
Une autre de mes préoccupations (qui n'est pas nouvelle) est l'impression de l'essentialisation de la notion (?) d'observateur en physique quantique.
Dans d'autres cas, par exemple l'illustration du principe d'inertie en physique classique ou l'histoire des jumeaux dont un voyage (pour la relativité restreinte) l'introduction d'êtres humains n'est qu'une métaphore pour illustrer la notion de repère.
Mais par exemple quand vous dites "'quand 2 observateurs mesurent chacun l'état d'un des photons du couple intriqué pour vérifier leur corrélation ils sont obligés d'utiliser des moyens physiques soumis à la relativité" cela me paraît illustrer la difficulté à formuler les notions quantiques (ou du moins leur interprétation intuitive) sans passer par des formulations que je serais presque tenté de qualifier de "subjectivistes".
Je suppose que c'est en rapport avec la notion polysémique de mesure qui va de la mesure concrète (ex mesurer une longueur avec un mètre) aux notions liées à la théorie de l'intégration de Lebesgues (spécifiquement au vocabulaire probabiliste dans le cas de mesures de masse totale 1).
En plaisantant à demi, je me dis que certains commentaires pourraient faire croire que la physique quantique est une physique "des phénomènes se passant dans des laboratoires" ;
alors qu'elle vise à décrire de nombreux phénomènes indépendants de la présence d' "observateurs".
Par exemple dans l'expression que je cite ci dessus, il s'agit apparemment d'information(s) échangées entre physiciens.

P-S : Dans votre blog le lien "http://http//pgphys.blog.free.fr.blog.free.fr//" derrière "patrick guy" est cassé. Je voulais savoir si vous aviez publié des livres ou d'autres documents faciles à consulter ou à se procurer sans être chercheur.

patguy

Bonjour, j'emploie simplement le terme complétion (c'est un anglicisme ?) dans le sens "comment définir de manière détaillée l'état d'un système". Un exemple simple : pour un gaz je connais les données macroscopiques et je dois prévoir quelles complétions microcosmiques sont en accord avec ces données (d'où le principe d'incertitude rattaché). C'est tout.
En ce qui concerne l'irréversibilité je la préfère comme postulat plutôt qu'à des postulats sur l'entropie car la définition de l'entropie est plurielle en physique et l'irréversibilité définit clairement une flèche du temps. De plus microscopiquement l'intrication et son implication la décohérence conduisent à une irréversibilité physique même si en théorie la mécanique quantique est unitaire (boutade de Boltzmann).
Il ne faut pas lier la notion d'observateur à un être humain (même si certains font intervenir la conscience en mécanique quantique). Un ordinateur peut très bien enregistrer la polarisation d'un des photons intriqués et l'envoyer via un système de communication à un deuxième ordinateur qui a enregistré l'état du second photon et qui conservera dans sa mémoire cette comparaison. Cela n'ira pas plus vite que la vitesse de la lumière. Pour l'instant aucune intelligence artificielle n'est capable d'en déduire une théorie physique mais dans le futur .... (enfin moi je n'y crois pas). In fine ce sera tout de même un être humain qui exploitera ce résultat pour en faire une théorie physique. En fait c'est exactement ce qui se passe dans nos appareils de mesure (collisionneur, télescope, etc). Mais on peut toujours dire que la lune n'existe pas si je ne la regarde pas mais cela ne nous fera pas beaucoup avancer.
En ce qui concerne la mécanique quantique c'est un bel outil pour expliquer nos expériences et les données tirées de son application sont en très bonne conformité avec les mesures effectuées. Par contre pour moi elle a un défaut fondamental c'est qu'elle permet de créer des histoires (mais c'est là toute sa puissance). Dans le cas des fentes d'Young, il suffit de se contenter de dire que les q-particules ont 2 états possibles, passage par la fente 1 ou passage par la fente 2, et de dérouler l'équation de Schrödinger pour arriver au résultat. Physiquement les q-particules interagissent entre elles dans la source, puis avec le premier écran, puis avec l'environnement et enfin avec le deuxième écran donc ce n'est pas si simple. De plus la fameuse histoire revient à dire que les q-particules interfèrent avec elles-mêmes (Dirac y croyait) mais dans ce cas on a 2 alternatives soit la théorie d'Everett soit la théorie de De Broglie/Böhm, la première est pour moi non scientifique et la deuxième ne passe pas l'épreuve de la relativité. En tenant compte des diverses interactions et donc des phénomènes d'intrication on peut expliquer (mais pas calculer explicitement) les résultats de l'expérience d'Young. Bon je m'arrête là.
Dans mon blog si vous cliquez sur "TAG" vous trouverez le billet "Qui suis-je". Je peux publier en économie mais pas en physique. Cordialement

Christian_B

patguy Merci, je trouve plus clair de parler de l'état d'un système que d'information quantique.
Et je trouve que "instrument de mesure" évite les ambiguités et dérives du terme "observateur".
De toute façon, quand quelqu'un examine des résultats d'un appareil de mesure (actuellement automatisé en général) il n'y a plus de risque que ce résultat soit modifié 😄
Je suppose que les question difficiles comme la décohérence sont surtout liée à l'impossibilité de fait (incontournable) d'inclure l'appareil de mesure ou tout autre objet macroscopique (même 1 g de gaz) à peu près isolé dans un "système" défini rigoureusement par les équations de la physique quantique vu l'énorme quantité d'informations que cela représenterait.

patguy

Bonjour, je ne comprends pas votre paragraphe sur la décohérence. Dans mon blog, j'ai fait deux billets dessus dont un est un "game toy" qui explique comment cela marche. Cordialement

patguy

L'adresse exact du blog est "http://pgphys.blog.free.fr.blog.free.fr/"